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Photo du rédacteurMaître JEAN-MEIRE

Loi Littoral et action en responsabilité : Roscanvel est condamnée à 115.000 euros


condamnation de Roscanvel (Finistère) loi Littoral et terrain inconstructible
Roscanvel (Finistère)

La mauvaise application de la loi Littoral coûte cher aux communes littorales et à leurs assureurs.


Le cas qui a mené à la condamnation de la commune de Roscanvel, dans le Finistère par ce jugement du 19 mai 2023 du TA de Rennes (n° 2001954) ne fait pas exception.


Deux époux ont acquis un terrain le 1er décembre 2008 à Trégoudan, près du centre-bourg de Roscanvel.


Avant cet achat, le 30 septembre 2008, un certificat d’urbanisme informatif leur avait été délivré, lequel, annexé a été à l’acte de vente, indiquait le classement en zone UhC au plan d’occupation des sols.


Puis Mme A, devenue seule propriétaire en 2010, a sollicité le 29 septembre 2017 un certificat d’urbanisme opérationnel en vue de construire une maison d’habitation.


Le maire a délivré deux certificats d’urbanisme opérationnels négatifs le 05 octobre 2017 et le 09 avril 2018.


La commune a fondé ce refus sur l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme qui prévoit que « L'extension de l'urbanisation se réalise en continuité avec les agglomérations et villages existants. ».


La parcelle étant située dans une zone d’urbanisation diffuse éloignée d’un village ou d’une agglomération, toute nouvelle construction y est interdite.


La propriétaire a déposé un recours contre les deux certificats d’urbanisme rejetés par un jugement du tribunal administratif de Rennes le 14 février 2020.


Le 20 février 2020, l’intéressée a effectué un recours indemnitaire préalable, lequel a été implicitement rejeté par le maire.


La propriétaire a alors demandé au tribunal de condamner la commune à verser 243.713,46 euros pour les préjudices qu’elle a subis du fait des renseignements erronés sur la constructibilité de sa parcelle.


Les juges rennais relèvent des fautes de la commune dans l’application de la loi Littoral de nature à engager sa responsabilité (I./) et indemnisent plusieurs préjudices subis par l’intéressée (II./).


I./ Sur la responsabilité de la commune


Selon la jurisprudence administrative : « toute illégalité commise par l'administration constitue une faute susceptible d'engager sa responsabilité, pour autant qu'il en soit résulté un préjudice direct et certain » (CE 30 janvier 2013 M. Imbert n° 339918, publié au recueil)

Le Tribunal relève des fautes commises par la commune de nature à engager sa responsabilité.


Le législateur est venu encadrer l’urbanisation au sein des communes littorales par la « Loi Littoral » de 1986.


Le grand principe est repris à l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme qui impose que les constructions nouvelles soient faites en continuité avec un village ou une agglomération.

La jurisprudence est venue éclairer cette disposition : « des constructions peuvent être autorisées dans les communes littorales en continuité avec les agglomérations et villages existants, c'est-à-dire avec les zones déjà urbanisées caractérisées par un nombre et une densité significatifs de constructions » Conseil d’Etat, 09/11/2015, Commune de Porto-Vecchio, n°372531.


En l’espèce, le Tribunal relève que le secteur est éloigné du centre-bourg de Roscanvel « dont il est séparé par des espaces naturels et des coupures d’urbanisation ».


De plus, le secteur n’est pas assez dense et construit et donc ne peut « être regardé comme un village et une agglomération ».


Toute nouvelle construction est une extension d’urbanisation, interdite par la loi Littoral dans cette zone d’urbanisation diffuse.


Les juges estiment donc que la commune a commis une faute lors de la délivrance du certificat d’urbanisme informatif classant la parcelle dans la zone UhC constructible et ne mentionnant pas l’application de la loi Littoral.


La responsabilité de la commune est fréquemment retenue lors d’illégalité d’un certificat d’urbanisme bien qu’il soit uniquement informatif (voir notre article : « même informatif, un certificat d’urbanisme méconnaissant la loi littoral engage la responsabilité d’une commune »).


Les juges relèvent également une faute de la commune dans le classement de la parcelle en zone UhC du plan d’occupation des sols de 1996 repris en 1999 alors que la parcelle n’a jamais été constructible au regard de la loi Littoral.


Comme c’est le cas régulièrement, le Tribunal ne permet pas l’atténuation de responsabilité de la commune du fait des difficultés d’interprétation de la loi Littoral ni du fait de l’absence de démarche de la victime avant 2017.


Une fois les fautes de la commune reconnues, les juges vont permettre l’indemnisation des préjudices subis par la victime.


II./ Sur les préjudices indemnisables


Les préjudices invoqués sont indemnisables s’ils ont un lien direct et certain avec les fautes commises par la commune.


Le Tribunal relève que « la décision d’acquisition de la parcelle a directement résulté de la délivrance du certificat d’urbanisme du 30 septembre 2008 et du classement illégal de la parcelle en cause en zone constructible ».


Ainsi, cela ouvre droit à l’indemnisation de la perte de valeur vénale du terrain, des frais d’actes et des différents frais bancaires.


1. Le calcul au cas par cas du prix de la parcelle


Les propriétaires ont acheté la parcelle de 1.643 m² à un prix de 106.000 euros.

Selon la requérante, le terrain ne vaut plus que 302,29 euros.


Néanmoins, les juges estiment que cette parcelle, qui jouxte la parcelle de la requérante contenant déjà une maison d’habitation, peut servir de « jardin d’agrément » et apporter une valeur supplémentaire à la parcelle voisine.


Le Tribunal fixe alors le prix à 20 euros par mètre carré sur la parcelle litigieuse.


Le terrain vaut aujourd'hui 32.680 euros ce qui ouvre droit à une indemnisation de la différence, à hauteur de 73.320 euros.


La fixation du prix des terrains non constructibles dans les communes littorales est très variable et aléatoire.


Les juges administratifs ont pu fixer le prix du mètre carré à 0,52 euros (Voir en ce sens notre article « Terrain inconstructible et loi Littoral - condamnation de Meschers-sur-Gironde ») mais également à plus de 30 euros (Voir notre article « Loi Littoral et action en responsabilité, condamnation de Porto-Vecchio à verser 381.000 euros de dommages et intérêts »), ce qui, dans ce cas, est très élevé et réduit fortement l’indemnisation des victimes.


2. La division de l’indemnisation des préjudices liés aux frais d’achat du terrain


L’achat de la parcelle en 2008 a été effectué par deux personnes.


Le juge, lorsqu’il reconnait les préjudices liés aux frais divers engagés lors de cette vente, divise le montant de l’indemnisation qui sera octroyée à Mme A par deux.


Ainsi le juge ne retient que 1.600 euros sur 3.200 pour les frais d’actes, 7.868,66 euros sur le double payé à l’époque pour les frais bancaires et d’assurance.


Pour contrebalancer cela, le juge permet l’indemnisation de plus de 31.000 euros pour les frais d’assurance et d’emprunt que l’intéressée a supporté seule lors du remboursement par anticipation la partie du crédit de son époux lors du divorce.


Aussi, les juges retiennent une indemnisation classique de 1.000 euros au titre du préjudice moral subi.


En conséquence, la commune est condamnée à verser la somme de 115.293,10 euros de dommages et intérêts suite à une mauvaise application de la loi Littoral.

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